Les trésors de la plage {TERMINE}

Insomnie ? Non, il s’agissait plutôt d’un refus de dormir. Lacrima refusait obstinément de s’endormir. Allongée sur le dos, elle fixait le plafond, gris dans l’obscurité de la nuit.

Sur le plafond, comme sur un écran géant, elle voyait se peindre différentes scènes de ses souvenirs. Une image plus particulièrement lui revenait souvent, comme une obsession.

Elle ne dormirait pas, elle le savait. Alors pourquoi rester stupidement au fond de son lit ? Cette réflexion faite elle se leva. Un rapide coup d’œil à son réveil lui apprit qu’il était un peu plus d’une heure. A côté, Maura dormait. Doucement, pour ne pas faire de bruit, Lacrima enfila un simple gilet par-dessus son pyjama, qui n’était d’ailleurs pas très chaud si l’on considère qu’il ne s’agissait que d’un simple short et d’un t-shirt.

Puis elle sortit..

Il y avait une paire de sandales. Puis des traces de petits pieds dans le sable blanc. Et au bout du chemin que dessinaient les traces de pas, une brunette tout de blanc vêtue. Dans la nuit, Lacrima ressemblait presque à un fantôme. Un fantôme qui s’amusait à ramasser tous les coquillages qu’il rencontrait sur sa route.


Quand elle était encore amine, les autres enfants s’amusaient à raconter que sur les plages on trouvait tous pleins de trésors laissés par les sirènes : on parlait de bijoux, de pièces d’or, qu’elles offraient en cadeau aux hommes. Plus grande, elle avait compris qu’il s’agissait en réalité de tous les charmants coquillages cachés dans le sable.

Une fois qu’elle eut ramassée plus de coquillages qu’elle n’en pouvait tenir, Lacrima entreprit de s’allonger dans le sable chaud. Elle se doutait bien qu’elle finirait avec pleins de petits grains collés sur les habits et dans les cheveux, mais cela lui était égal. Lorsqu’elle se mit sur le dos, ses trouvailles s’étalèrent sur tout son ventre et sa poitrine, créant ainsi une petite couverture de coquillages.
Le ciel étoilé était bien plus beau que le plafond gris de la chambre.

La plage était déserte. L’air était doux, et la mer chantait sa douce berceuse.

C’était un drôle de rêve.

Car Lacrima s’était finalement endormie, et étonnamment vite d’ailleurs. Il faut dire que le cadre était propice à un petit somme. Le sable fin constituait un lit confortable, les coquillages une parfaite couverture et la mer offrait une berceuse agréable. Ainsi la jeune fille eut tôt fait de fermer les yeux pour partit loin, très loin, dans ce drôle de rêve.

Elle était en Egypte, cachée derrière une dune de sable rouge. Le dieu Rê, soleil infernal, lui brûlait la peau. Tout son corps était secoué de tremblements. La cause de cette peur : le peuple égyptien entier était à sa poursuite, et les armées de Pharaon avec, car c’était le temps de Pharaons. Bientôt, elle perçut un mouvement dans le sable. Un chien sauvage ! Un chien tout noir lui fonçait dessus. Il allait bondir sur elle, la massacrer…

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAhhhhhh !!!!!!!!!

Un cri aigu qui retentit sur toute la plage. Lacrima était réveillée, mais il y avait toujours quelque chose sur son ventre. Les dernières images du rêve se mélangeant à la réalité, elle crut reconnaître la bête prête à la dévorer. Elle attrapa la tête de la… chose entre ses deux mains et se releva légèrement pour mieux la voir. Une paire d’yeux bleu océan, presque rieurs la fixaient. Lacrima contempla un instant l’animal d’un air incrédule. C’était un chat, un… gros chat, tout noir. Ce chat avait un drôle d’air pour un chat.

- C’est moi ou il… sourit ?

Cette fois Lacrima se releva complètement pour s’asseoir. Elle ne quittait plus l’animal des yeux. En plus de sourire, il avait l’air fier. C’était vraiment un drôle de chat, et bien grand. On aurait presque dit un lynx. Mais il ne semblait pas méchant et la jeune fille aimait bien ces bêtes là.

- Mais nan, je délire. Ca ne sourit pas un chat. Puis, sur un ton de faux reproche : Tu sais que tu m’as fait peur, toi. Tu mériterais une bonne punition… Plus de… plus de thon pendant une semaine ! Je crois que les chats adorent le thon. J’ai raison ?

Oui, Mlle Rosenblum parlait aux chats. Et pourquoi pas ? N’importe quel bon maître parle à son animal de compagnie. Elle avait même entendu dire que dans certains pays, on organisait des mariages pour chien, c’était une vrai fête avec des invités et tout et tout.
Laissant aller ses pensées, la jeune fille en arriva à se demander si ce chat appartenait à quelqu’un où s’il s’agissait d’un animal errant. Peut-être qu’il était venu la voir parce qu’il avait faim.

Toujours en observant le chat aux yeux bleus, elle pris machinalement un coquillage parmi tous ceux qui l’entouraient. Elle jouait avec sans vraiment y faire attention. Puis, après un petit moment, elle le tendit au chat.

- Tiens, tu veux jouer ? Même si je sais que tu préfères les pelotes de laine.

Lacrima lâcha enfin le chat des yeux pour balayer la plage du regard. Elle n’était pas mécontente d’avoir abandonné le sable rouge et les égyptiens pour retrouver cette plage paisible. Admirant la mer, elle lança sans réfléchir :

- Tu sais que tu es gros quand même, pour un chat.

L’air qu’avait Lacrima a présent était indescriptible, la surprise l’envahissait, c’était évident. Setsuna s’empêchait de rire, ses yeux malicieux tourné vers la Lune. Une légère brise vint jouer avec les cheveux des deux adolescents, le vent s’engouffrant dans la veste ouverte du jeune homme, venant lui chatouiller la peau sans que celui-ci ne bronche. Elle débita une phrase assez incompréhensible et à la façon d’un robot avant de se tourner. Elle allait partir ? Il avait fait quelque chose de mal ?

Lorsque la jeune femme se retourna a nouveau vers lui, elle avait toujours cet air incrédule. Elle lui saisit le bras et le serra fort tout en lui demandant si c’était bien lui :

- Beh oui c’est moi Lacri-chou, qui veux-tu que ce soit ? Et je ne suis pas un chat !! je suis un change-forme ou un méta morphe, je sais pas comment tu appelles ça toi. Mais pour faire plus simple je suis juste moi !

Setsuna la laissa prononcé une phrase puis il détourna le regard vers la mer, un sourire simple mais sincère et beau étirant ses lèvres. Il posa ses yeux sur la mer, loin à l’horizon. Lui se moquer d’elle ? Il n’oserait pas !

- Mais non Lacri-chou, j’me moque pas d’toi. C’est juste que tous les humains réagissent de la même façon, ça me fait marrer. Ils viennent tous dans cette ville sans vraiment s’attendre à quoi que ce soit. AU moins, avec moi ils sont préparés ! C’est toujours mieux de tombé sur moi que sur un vampire assoiffé ou un démon exécrable.

Il posa a nouveau son attention vers sa camarade. La berceuse de la mer, le vent qui jouait avec ses cheveux et qui lui caressait la peau, le sable qui glissait entre ses doigts et l’odeur des embruns. C’était reposant ! Setsuna se laissa basculer, étalant ses bras en croix, donc l’un forcément derrière la jeune fille tandis que l’autre bras se perdait dans l’océan de sable, le coquillage dans la main. Il en profita également pour s’étirer puis se mit a observer le ciel qui était beau cette nuit là.

L’endroit était calme et serein. Setsuna espérait juste que le soleil ne viendrait pas le gagner, dormir dehors était une mauvaise idée, surtout par les temps qui courraient… La jeune fille semblait maintenant remise de son choc. Setsuna gardait son regard posé sur elle. Il ne savait pas quoi dire, mais ils savaient que de toute façon, parfois, les mots étaient inutiles et le silence était préférable. Le vent se levait encore plus, plus frais cette fois, faisant danser les cheveux des deux adolescents d’une façon plus endiablée que précédemment. Le vent venait frôler la peau fraîche du jeune homme qui n’avait pas froid cependant. Il n’avait jamais froid… Enfin, c’était rare !

Un change forme ? Ou un méta morphe, le nom ne changeait pas grand-chose. Mais qu’est-ce que c’était. Enfin, Lacrima savait ce que c’était, mais elle ne pensait pas qu’ils existaient… réellement. Et pourtant la preuve : l’un d’eux était assis à ses côtés. Alors comme ça, Setsuna n’était pas « qu’un humain », comme elle le pensait…

Et apparemment, Lacrima n’était pas la première à qui il jouait ce genre de tours, puisqu’il avait déjà pu observer que tous les autres humains réagissaient de la même manière. Ce qui n’étonnait d’ailleurs pas la jeune fille. Comment vouliez-vous réagir autrement ? Peut-être en s’enfuyant mort de trouille… Mais comme il l’avait fait remarquer, il n’avait rien d’un vampire assoiffé ou d’un démon exécrable. En voyant le chat se transformer en Setsuna, elle avait ressenti bien des choses, mais pas de la peur. Non, pas un seul instant l’idée de prendre ses jambes à son cou ne lui était venue à l’esprit.

- Lacri-chou ?

Ce fut là sa seule remarque. Elle ne savait pas quoi trop répondre au reste. C’était la première fois qu’on lui donnait un petit surnom. Jusqu’à cet instant, on lavait toujours appelée Lacrima et rien d’autre. Ainsi cette appellation lui fit-elle un drôle d’effet. Quant au fait qu’il ne se moquait pas d’elle, elle en doutait encore. Lorsque quelqu’un vous fait marrer, c’est que vous vous moquez de lui, non ? Pas forcément… Et ce nom de Lacri-chou renforçait cette impression qu’il riait d’elle. Mais cessons cette paranoïa, ce n’était après tout qu’un surnom.

Ensuite… rien. Juste le silence de la plage et le chant de la mer. Ce silence n’avait rien de pesant. Il était agréable et léger. Léger comme ce vent qui venait leur caresser les joues et faire voler leurs cheveux autour de leur visage. Le calme fait parfois du bien.
Il n’empêche que l’air était frais. Si le jeune homme ne semblait pas avoir froid malgré sa chemise grande ouverte, Lacrima, elle commençait à frissonner dans son pyjama léger. Mais avoir froid n’est pas toujours désagréable..

Une nouvelle fois, Lacrima pris un de ses nombreux coquillage, mais un plus gros, un de ceux dans lesquels on entend le bruit de la mer. Elle approcha le coquillage de son oreille. On entendait bien la chanson de Dame mer à l’intérieur. Alors elle approcha le coquillage de l’oreille de Set’.

- Écoute, là-dedans aussi on entend la mer.

Elle aurait bien aimé s’allonger pour regarder la Lune et les étoiles, elle aussi, mais elle ne pouvait pas à cause du bras du garçon derrière son dos. Comme elle ne pouvait voir le ciel, Lacrima admira l’horizon, la mer au loin. Et elle partit loin, loin dans ses pensées, son regard se perdant dans le vide. Le silence s’installa une nouvelle fois. Au bout d’un certain temps, le jeune fille finit par briser la coquille, d’une toute petite voix.

- Mais les métas morphes, ce sont des humains aussi. Juste des humains qui peuvent se transformer en autre chose, mais qui reste des humains… Non?

Elle tourna la tête vers la droite, son regard rencontrant ainsi les deux perles bleues du jeune homme. Oui, quand elle le voyait, c’était bien un humain qu’elle voyait. Sauf s’il se transformait en chat…
Mais elle abandonna bien vite ses… réflexions philosophiques pour revenir à des questions bien plus concrètes.

- Et sinon, tu peux faire d’autres trucs dans le genre ? Parce que moi, je suis bonne à rien. Aucun don, aucun talent : rien !

Lacrima s’était toujours trouvée mortellement ordinaire, d’une banalité qui la rendait totalement inintéressante. Sans doute aurait-elle aimé avoir un petit plus, quelque chose qui la différencierait des autres elle aussi…

Setsuna semblait avoir plongé Lacrima dans de bien longue réflexion. Avait-il fait quelque chose de mal ? Il n’en savait trop rien, mais il pensait que si jamais il avait fait quelque chose qui ne plaisait pas a la jeune fille, elle le lui dirait… Elle semblait être étonnée du surnom qu’il avait employé. C’était ça qui la faisait autant réfléchir ? Peut-être, peut-être pas, qui sait ?

- Ça te dérange que j’t’appelle comme ça ? ‘Fin j’veux dire, j’peux arrêter si tu ne veux pas hein !

La nuit était claire et le ciel bien dégager. L’air frais chargé des embruns de la mer était délicieux et Setsuna était en bonne compagnie, que rêver de mieux ? Un petit cocktail et puis de la musique peut-être ! mais il ne fallait pas trop en demander !!

Setsuna ferma quelques instants les yeux puis il sentit quelque chose contre son oreille : un coquillage diffusant le bruit de la mer dans son oreille. Le jeune homme sourit a nouveau, acquiesçant d’un « Hmmm » serein.

La question suivante troubla un peu notre jeune mage. Elle lui demandait si il était bien humain, en quelque sorte, si il n’était pas quelqu’un d’infréquentable… Les deux yeux caramel de la jeune fille rencontrèrent les perles marines du jeune homme qui ne savait pas vraiment quoi répondre. Il était toujours assez mal à l’aise avec ces questions là. Après tout, pouvait-il vraiment se considérer comme étant humain ? Il pouvait lire dans les souvenirs des gens, se métamorphoser, il maîtrisait le froid… Ces trois attributs n’étaient pas vraiment quelque chose qui constitue un homme normal… Il répondit alors, détournant le regard et dans ses moustaches :

- Je sais pas…

Puis, Lacrima lui demanda si il était capable de faire d’autre chose de ce genre. Set’ le lui aurait bien montré, mais cela suffisait pour ce soir. Il lui montrerait tout ceci un autre jour, quand il sera plus à l’aise avec la jeune fille. Il prit alors la parole, toujours un peu renfrogné :


- Tu sais, on choisit pas d’avoir des dons… Et parois tout ça me cause des soucis… Ou des soucis à mes proches… T’es pas bonne a rien, on apporte tous quelque chose à quelqu’un, c’est ce que je crois. Mine de rien, ya deux clans qui s’affrontent, et il viendra sans doute le jour ou je devrais choisir un camp… Et puis franchement, je te connais pas beaucoup, mais t’es quelqu’un d’agréable. T’écouter parler c’est simple. T’es pas comme tout les autres qui se préoccupe de leur apparence ou encore tout ceux qui pense a cette foutue guerre. Tes paroles sont simples, fraiches et sincères. Ça change de tout ce qui s’passe dans cette ville, car crois moi, c’est pas tout rose.

Encore dans la semaine il avait du remettre à leur place des vampires de bas étages qui étaient un peu trop entreprenant avec Lyra. C’était de plus en plus fréquent, à croire que Sire ténèbres n’était plus capable de tenir ses chiens en laisse et que Sire pioupiou n’était pas capable de riposter.

Il avait remarqué que la jeune fille avait frissonné avec le vent qui s’était levé, à ça, quand il fait frais, on met un pull, pas un short !

- Quand on est frileuse on évite de sortir en T-shirt et Short, Lacri-chou ! Tu veux ma veste ? Même si elle est pas ultra chaude c’est toujours mieux qu’un pyjama léger !

Setsuna lui sourit à nouveau, un sourire entre l’inquiétude et le gentil reproche. Il ne faut pas l’oublier : Setsuna, avec les gens qu’il affectionne, n’est qu’un gros nounours protecteur incapable de dire non qui plus est… Dans le pire des cas, si il avait froid (ce qui n’arrive presque jamais), il se transformerait en chat a nouveau, ou un animal du genre !

- Non, pas du tout, tu peux m’appeler comme tu veux. Après tout je t’ai bien rebaptisé Jacques. Puis c’est mignon, Lacri-chou.

Si le surnom ne gênait pas, on n’aurait pu en dire autant de la question de la jeune fille, qui semblait avoir chiffonné Setsuna. Visiblement, elle avait pointé le sujet qui fâche et le jeune homme s’était un peu renfrogné.

Sa réponse, son « Je sais pas », l’avait tout de même un peu interpellée, et tout ce qu’il dit ensuite également. Bizarrement, elle n’avait pas pensé que Setsuna puisse avoir des problèmes. En venant ici, elle semblait avoir oublié que la vie n’était pas rose et ce pour tout le monde. Elle n’était pas arrivée depuis si longtemps et n’avait pas encore fait beaucoup de rencontre, mais tous ceux à qui elle avait eu à faire lui avaient offerts des sourires amicaux. Elle n’avait pas pensé que la vie de cette ville put être chaotique. Dans ces souvenirs de petite fille, le Japon était un pays magnifique, rien de plus. La mémoire embellit les choses.

Ainsi le petit discours de Setsuna la ramena sur Terre. Mais ces histoires de guerre, de clans et de camp à choisir ne lui plaisaient pas trop. D’autant plus que n’étant au courant de rien, elle aurait du mal à se faire une place. Cependant, elle préférait ne pas en savoir plus, pour le moment du moins. Car comme l’avait dit Setsuna, il ne fallait pas être obsédé par cette guerre.
D’ailleurs, les quelques compliment glissés à l’adresse de Lacrima (car il s’agissait bien de compliments ?), touchèrent la jeune fille. Ce n’était pas souvent qu’on lui faisait des éloges. Ces quelques mots lui firent donc plaisir et elle n put s’empêcher de sourire, en murmurant un petit « merci » à peine audible. Elle se souvint tout de même que le sujet était plutôt grave et qu’elle avait peut-être blessé le garçon. Si c’était le cas, elle devait s’excuser.

- Désolée, je voulais pas te froisser.

Enfin, elle ne fut pas mécontente que l’on change de sujet. Setsuna venait visiblement de remarquer que Lacrima était en pyjama alors qu’il faisait frais. Lacrima ne put que sourire devant son air d’ourson protecteur.

Depuis un instant, une drôle d’idée dansait dans la tête de Lacrima, maintenant qu’elle savait que Setsuna pouvait se transformer. Sans attendre sa réaction et changeant complètement de sujet, elle finit par lui demander :

- Dis, tu pourrais te transformer en moi, par exemple ?

Elle s’était souvent de mandée ce que cela pouvait faire, de se retrouver face à soi.

Indécis et complexé ? Il semblait à Lacrima qu’elle comprenait presque ce qu’il voulait dire. Quand on ne savait pas vraiment qui on était et pourquoi on était pas « comme tous les autres enfants ». Même si à sa différence à elle n’était pas aussi marquée que celle du méta morphe.
Mais tout ça c’était loin, très loin. En France, de l’autre côté de cette mer qui s’étalait devant elle. Et ce temps lui paraissait si loin qu’elle avait l‘impression qu’il n’avait jamais existé. Lacrima en venant au Japon avait pris un nouveau départ. Setsuna n’avait peut-être pas eu cette chance. Elle se rendit alors compte qu’en fait elle ne savait pas grand-chose sur lui.

Mais déjà, il reprenait la parole pour lui apprendre que « m pauvre… j’ai jamais froid ! ». Lacrima eut un petit sourire à ces mots. C’est impossible de ne jamais avoir froid, à moins d’être un glaçon (parce qu’elle sait pas que Setsu EST un glaçon xD). Elle allait le lui faire remarquer quand le jeune homme commença à se transformer pour devenir… une jeune femme !

- WAAAAH ! C’est VRAIMENT moi !

Oui, c’était bien la copie exacte de Lacrima qui se tenait devant elle. Alors, ça fait quoi d’être en face de soi ? Bizarre sûrement. Mais pour l’instant, Lacrima était occupée à émerveiller de cette parfaite ressemblance. Elle répondit au coucou de l’autre elle par un même signe de la main.

Toujours sous l’émerveillement, elle touchait les cheveux de son « alter ego », elle regardait ses yeux, ses petites mains et ses petites jambes cachées sous les vêtements quinze fois trop grands pour sa petite taille.

- Ça te fait quoi d’être une fille toute petite alors que tu es un garçon trèès grand.

Lacrima se recula un peu, histoire de mieux se voir. C’est alors qu’elle remarqua que la chemise de Setsuna était toujours grande ouverte. Heureusement, comme elle était grande, on ne voyait rien, mais tout de même, elle trouvait cela un peu gênant. Le rouge lui monta un peu aux joues quand elle lui demanda :

- Tu… tu peux fermer ta chemise s’il te plaît.

Mais l’idée qu’il ferme sa chemise ne lui plaisait pas trop non plus. Elle sa hâta donc d’ajouter :

- En fermant les yeux.

C’était une idée géniale que celle qu’elle avait eue : que Setsuna prenne son apparence. L’émerveillement passé, elle prenait le temps de mieux s’examiner. Oui vraiment, c’était une drôle d’impression que de s’avoir en face de soi.

- Ça fait bizarre… Je m’imaginais pas vraiment comme ça.

On s’imagine toujours autrement que ce qu’on est.

Pourquoi avait-il fallut qu’il baisse la tête avant qu’elle n’ait finit sa phrase ?! A priori il n’y avait rien de gênant à voir une jeune fille baisser la tête vers sa poitrine. Mais lorsque l’on savait que derrière ce visage de demoiselle se cachait un jeune homme, la situation était bien différente, et pour le coup plutôt très embarrassante. Les deux têtes de brunettes aux joues devenue pourpre de honte n’osèrent plus se regarder pendant un instant. Puis la chemise reboutonnée et la veste resserrée, la gêne se dissipa et on enchaîna vite sur un autre sujet.

Setsuna semblait s’étonner de la remarque de la jeune fille, qui déclarait qu’elle se voyait autrement. Elle s’apprêtait à répondre quand le garçon (ou la fille ? on s’y perd à la fin xD) l’interrompit par son exclamation… inattendue. Ses yeux étaient tout rond, ouverts plus grands que Lacrima n’avait jamais dû les ouvrir elle-même.

- Merci ! Je te ferais quand même remarqué que cette voix de pédale c’est censée être la mienne.

Ceci, elle le dit d’un ton rieur. Elle se figurait bien que ce ne devait pas être très agréable pour un jeune homme de se voir transformer en fille. C’était d’ailleurs une insulte : « Espèce de fillette ! » Cela n’avait donc rien de très agréable ou valorisant.

- Bah, je comprends que tu te sentes pas à l’aise dans un corps de fillette minuscule.

Enfin, elle songea à répondre à la question précédente de Lacrima Bis.
Elle n’était pas le genre de fille qui passe des heures à s’admirer devant la glace. Mais elle s’était tout de même déjà vue dans un miroir et elle savait assez à quoi elle ressemblait. Et elle voyait bien une différence entre elle et celle qui lui faisait face. Il s’agissait bien de ses cheveux (quoique la texture n’était pas tout à fait la même), de son visage, de ses yeux, de sa bouche. Cependant le regard, le sourire lui semblaient différents.

- En fait, je crois que c’est l’expression du visage qui n’est pas pareille.

Sous ce déguisement, c’était toujours Setsuna qui souriait.
Puis Lacrima jugea que le jeu avait assez duré. Certes c’était une drôle d’expérience pour elle, mais cela ne devait pas être aussi amusant pour son compagnon. Quoique qu’être dans la peau d’une fille pendant quelques minutes pourrait aussi être une expérience intéressante pour un homme.

- Bon allez, on arrête le supplice. Tu peux reprendre ta forme de Setsuna, t’es plus joli comme ça. En tout cas merci, c’était super !

Elle offrit avec ses paroles un sourire sincèrement reconnaissant. Vraiment, ça avait été bien gentil de sa part. Il aurait très bien refuser, comme on dit non à un caprice de petite fille.

Lacrima se tourna de nouveau vers l’horizon. La mer était belle, attirante. Elle avait bien envie d’aller se baigner, de se jeter dans l’eau et de s’immerger toute entière. Mais il faisait peut-être trop froid pour faire trempette.

- Dis, si tu veux bien on pourrait aller se mouiller les pieds.

Oui, au moins se mouiller les pieds. Elle voulait juste toucher l’eau..

A peine la proposition faite, qu’elle était déjà acceptée. Lacrima était plutôt contente de n’avoir pas à débattre pour le convaincre. Car elle était plutôt habituée à inventer mille et un arguments pour avoir droit à ce qui lui faisait plaisir.

Enfin, cette nuit donc, elle n’eut pas à négocier quoi que ce soit. Setsuna fut même sur ses deux pieds avant elle. En même temps qu’il se relevait, il retrouva sa forme de jeune homme. Lacrima prit la main, redevenue grande, qu’il lui tendait pour se mettre debout à son tour.

- Ouais ce serait dommage. Et puisqu’on a la mer juste en face de nous, autant en profiter..

C’est vrai, tout le monde n’a pas la chance de voir une si grande étendue d’eau s’étaler sous ses yeux. Il y en a même qui n’ont jamais vu la mer.

Les deux jeunes gens se rapprochaient doucement des vagues. Lacrima allait pieds nus : elle avait laissé ses sandales quelque part, là-bas. Elle aimait bien le contact de la multitude de grains de sable sous ses pieds. Cependant elle semblait scruter le sable, comme si elle surveillait quelque chose. Elle se décida finalement à poser une question, au risque de se trouver ridicule.

- Il y a des crabes la nuit ?

Et oui, cette petite jeune fille était à l’affût d’une paire de pinces orange cherchant à lui emprisonner les doigts de pieds. Comme les piqûres de guêpes, les pinçures de crabes lui paraissaient redoutables. Peut-être valait-il mieux sur une plage s’inquiéter de la présence de méduses, qui sont relativement plus dangereuses. Mais non, Lacrima aimait mieux surveiller les crustacés.

Ils arrivèrent finalement au niveau de l’eau sans avoir croisé la moindre carapace orangée.
Lacrima s’avança jusqu’à avoir de l’eau au niveau des chevilles. Elle eut un nouveau frisson au contact de l’eau sombre.

- Elle est pas très très chaude..

En effet, puisqu’elle était froide. Cela confirmait qu’elle ne pourrait pas faire de joli plongeon dans la mer. Pas ce soir en tous cas. Mais le simple fait de se mouiller les pieds la contentait, on le lisait parfaitement su visage d’enfant heureuse.
Elle se baissa pour aller chercher quelque chose au fond des cinq centimètres d’eau environ qu’elle avait atteints. Du bout des doigts elle sortit… un coquillage évidemment. Tous les autres étaient restés à l’endroit où elle et le jeune homme étaient installés, quelques instant plus tôt.

Et il y avait des crabes sous l’eau aussi ? C’est que Lacrima s’inquiétait pour ses petits pieds. Ah mais c’est vrai, tout le monde n’a pas écrit une thèse sur la vie des crabes… et heureusement, ce serait d’un ennuyeux. Bref ! Oublions ces affaires de crustacés. Après tout, personne n’est mort pincé par un crabe, si ?

Après avoir retiré chaussures, chaussettes et retroussé son pantalon, Setsuna rejoignit la jeune fille. Les pieds dans l’eau, il ne semblait pas gêné le moins du monde par la température bien basse de la mer. Il semblait même trouver l’eau froide parfaitement à sa convenance. Cependant, Lacrima ne sembla pas le remarquer. Une fois que le jeune homme fut à côté d’elle, elle lui tendit le coquillage qu’elle venait de ramasser.

- Regarde c’est drôle, celui-là il est bleu, comme tes yeux.

Tout en parlant, Lacrima releva la tête vers son camarade. Il souriait, comme à son habitude. Mais la brunette commençait à sa demander si elle ne l’ennuyait pas avec ses envies de se voir en chair et en os, de se mouiller les pieds, ses histoires de crabes ou encore de coquillages. Et pourtant, même s’il était peut-être agacé, il ne le montrait pas. Il était toujours aimable et souriant. Après un court instant de réflexion Lacrima lui fit ce qui pourrait être un petit compliment, à son tour.

- Ce que j’aime bien chez toi, c’est que tu souris tout le temps.

Elle dit cela presque sur le ton du remerciement. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours que l’on croise des personnes qui ne râlent pas tant qu’on ne fait pas ce qu’ELLES veulent et qui bondent quand on fait ce que l’ON veut, pour une fois.
Après un temps, la jeune fille fit une deuxième remarque. E n’était plus vraiment un compliment, mais presque une « découverte ».

Pas très observatrice, dites-vous ?

Alors ses histoires de l’agaçaient pas ?
Cette vague de compliments était aussi agréable à entendre que la mélodie des vagues agitant la mer. Lacrima, qui n’était pas habituée à tant d’éloges, ne savait pas trop quoi répondre, alors elle ne répondit rien. Mais la légère teinte rosée qui vint colorer ses joues et le sourire qui se peignit sur ses lèvres suffisaient à montrer que cela la touchait.
Sa simplicité. C’est habituellement ce qu’on lui reprochait chez elle : de ne pas se mettre assez en avant. On la qualifiait de « pas marrante ». Elle ne pensait pas que cet aspect de sa personne put être perçut comme une qualité. Si elle restait elle-même, c’est qu’elle ne savait pas faire autrement : l’hypocrisie était une notion totalement étrangère à la jeune fille, ainsi que le mensonge. Souvent encore on lui faisait le reproche « tu sais pas mentir ».

Son attention fut détournée de ces souvenirs lorsque Setsuna se mit à lui tirer la langue. Elle se demandait bien ce qui lui prenait jusqu’à ce qu’elle aperçoive la petite bille argent et bronze. Troisième piercing, car elle avait déjà remarqué celui sur l’arcade (c’est évident quand même xD). Le tatouage par contre…

- Ah tu as un tatouage aussi. Il est où ? Je l’ai jamais vu..

En posant la question, elle examina rapidement le garçon : pas sur le cou, les bras elle ne pouvait pas voir, sa chemise ouverte tout à l’heure lui avait permis de constaté qu’il n’y avait rien sur son torse et il n’était pas non plus sur la partie de ses mollets que le jean retroussé laissait découvert. Dans le dos peut-être ?

Setsuna, qui s’était un peu rapproché lui prit la main d’une façon si naturelle, que l geste parut tout naturel à Lacrima aussi. Le courant passait bien avec lui. La jeune fille n’était pas mécontente du tout de l’avoir rencontré. Bien au contraire, elle était heureuse d’avoir fait sa connaissance. C’était peut-être même une de ses meilleures rencontres.

Ainsi elle était tout à fait à son aise, les pieds dans l’eau, le mouvement léger des vaguelettes, la mer qui s’étendait sur tout l’horizon, le ciel étoilé au-dessus d’elle et enfin, une compagnie agréable. Un petit détail peut-être restait un revoir : la brise fraîche, un peu trop fraîche.

- En fait je veux bien ta veste, s’il te plaît. Si t’as pas froid..

Promis, la prochaine fois, elle penserait à sortir vêtue plus chaudement.

A la place exacte du cœur, mais dans le dos. C’est pour cela qu’elle ne l’avait pas vue. Lacrima fit intérieurement une rapide réflexion sans intérêt. C’est vrai qu’on ne voit jamais le dos des gens. Elle oublia de se demander ce que le tatouage représentait.
Puis elle oublia complètement les histoires de tatouage et de dos pour recevoir la veste que Setsuna lui posait gentiment sur les épaules. Veste qu’elle accueillit avec un grand sourire. Elle n’était pas mécontente d’avoir autre chose que son pyjama pour la protéger de la brise. On ne pouvait pas vraiment dire que la chaleur corporelle du garçon avait particulièrement réchauffé la veste, mais c’était toujours une couche de vêtement supplémentaire, même légère. Puis elle lui allait si grande qu’elle couvrait presque Lacrima jusqu’au genoux.

- Merci.

En Sibérie ? C’est vrai qu’il n’était pas particulièrement « chaud » (je parle de la température corporelle hein, pas de sous entendu xD). Si Lacrima avait pu deviner la réflexion de Setsuna, à savoir s’il la gênait, elle lui aurait tout de suite répondu par la négative. Elle aussi aimait bien être proche des autres. Et ce n’était pas tous les jours qu’on la prenait gentiment par la main. Habituellement, si on voulait l’entraîner quelque part on lui attrapait négligemment le bras et on la traînait. Et si on ne voulait l’emmener nulle part, on ne l’approchait tout simplement pas. Alors c’était peut-être vrai que la main de ce jeune homme était la plus froide qu’elle aie jamais serrée, mais paradoxalement la plus chaleureuse.

« Le géant et la petite fille sous la Lune ». Il aurait fallut les prendre en photo. C’est qu’ils étaient drôle tous les deux. L’un si grand et l’autre si minuscule. On dit des fois : les contraires s’attirent. Dans ce cas on pouvait dire que c’était vrai, au moins en partie.

Combien de temps s’était-il déjà écoulé et combien de temps s’écoulerait-il encore ? Et quelle heure était-il ? Elle n’en savait trop rien et ne s’en souciait de toute façon pas. Lacrima était juste bien. On n’était pas obligé de parler ; les vagues, le ciel et le simple fait de se tenir compagnie suffisaient.

Seulement toutes les bonnes choses ont une fin. A force de rester debout ils allaient finir par s’enfoncer dans le sable et ne plus pouvoir partir. Lacrima commençait à sentir la fatigue venir dans les jambes. Elle aurait bien aimé s’asseoir dans l’eau, mais c’était trop froid et elle n’avait qu’un pyjama blanc.

- On retourne sur le sable ?

D’un commun accord, les deux adolescents firent demi-tour, toujours main dans la main. Mais ils n’avançaient pas trop vite, pour profiter encore quelques instants des dernières vaguelettes qui venaient s’échouer à leurs pieds.

Setsuna et Lacrima marchait donc tranquillement, main dans la main comme on dit. Le temps s’écoulait, lentement, sûrement. Ils n’avaient pas besoin de se parler, les gestes faisaient le reste à leur place. C’est d’un commun accord cependant que les deux adolescents se dirigèrent à nouveau vers le sable et vers les chaussures de Lacrima abandonné plus loin sur le sol. Cette douce et agréable balade avait vidé l’esprit du jeune homme qui se sentait désormais bien, parfaitement bien même.

Setsuna sentit soudainement quelque chose vibrer dans sa poche de jean. Une douce mélodie métallique s’en échappa ensuite : On l’appelait. A cette heure-ci, qui cela pouvait il bien être ? L’heure tournait aisément vers les deux heures du matin ! Il était d’ailleurs censé dormir depuis belle lurette !

Sortant le petit mobile de sa poche, le jeune homme haussa un sourcil. Sur l’afficheur se composait le numéro de son père avec écrit en dessous : « P’pa ». Il sourit à Lacrima tout en s’excusant brièvement. Il dénoua leurs doigts puis partit un peu plus loin, vers un rocher qu’il avait aperçut. Il allait s’assoir dessus, bien qu’il semblait assez pointu…

« Ouais, qu’est ce que tu veux P’pa ?
- Salut mon fils, ça va ?
- Me fait pas d’baratin, ta voix tremble et tu m’appelle pas a deux heures du matin pour me débiter des conneries!
- … »

Le silence s’imposait désormais, faisant froncer les sourcils du jeune homme. Il ne pouvait qu’être arrivé quelque chose, surtout si son père ne faisait pas l’abrutis et qu’il l’appelait a deux heures du matin. De plus, sa voix était si chancelante que Setsuna craignait le pire.

« J’passe te chercher demain fiston… »

Setsuna garda le silence un moment, rejoignant presque le rocher, Lacrima non loin de là. Trop de chose tournait dans sa tête en ce moment même.

« Pourquoi ?
- Ta mère…
- Qu’est ce qu’elle a maman ?! Ne tourne pas autour du pot, tu sais que j’déteste ça ! »

Sans comprendre trop pourquoi, les larmes lui montaient aux yeux. Pourquoi il y avait un problème avec sa mère ? Pourquoi devait-il passer le prendre demain alors qu’il avait cours ?

« Elle est partie…
- On déménage ?
- Fait pas l’innocent, tu sais très bien ce que je veux dire Setsuna !
- … »

Le jeune homme d’habitude si souriant laissa les larmes dévaler. Son Téléphone lui tomba des mains, il n’avait pas prit la peine de raccrocher, son père hurlant à l’autre bout du fil pour avoir une réponse de son fils. Les genoux de se derniers heurtèrent le sable juste devant le rocher et ses mains s’abattirent sur la roche, les ouvrants assez largement dans la paume. Jamais de sa vie il ne s’était sentit aussi mal. Sa mère, morte. Pourquoi ? Son cœur se serrait, il avait la nausée, l’envie de vomir lui venait. Se recroquevillant sur lui-même, le jeune homme passa ses mains sur son visage et pour aller se loger derrière sa nuque, l’entachant de sang. Il ne put réprimander un cri d’une douleur déchirante. Il posa son front taché de son propre sang sur la roche, passant ses bras autours de son ventre.

C’était comme si la Terre s’arrêtait de tourner, comme si son cœur arrêtait de battre. Au plus profond de son esprit, Setsuna entendit un énorme craquement, comme de la glace qui cède sous le poids de plusieurs éléphants, sa glace venait de se briser sous le poids de la douleur. Son cœur n’était plus qu’un lambeau, ses yeux se vidait peu a peu. Il voulait mourir, rejoindre sa mère alors que son père hurlait au téléphone, ordonnant a son fils de répondre, lui demandant de lui expliquer ce qu’il se passait, il semblait pleuré lui aussi derrière son cellulaire.

C’était injuste. Pourquoi mourrait-elle ? Elle avait la vie devant elle ! Elle n’avait même pas passé la quarantaine ! Il avait encore besoin d’elle, et elle était partie ! Il était d’ailleurs lui aussi ailleurs, se tortillant quelque peu sous la douleur que lui procurait ce grand corps maladroit, il ne se rendait même pas compte qu’un peu plus loin, il y avait Lacrima…

Et toujours ces cris venant du téléphone…

La sensation du sable sous ses pieds était toujours aussi plaisante.
Lacrima finit par rejoindre seule ses sandales, toujours là où elle les avaient laissées, un peu plus loin sur la plage. Setsuna s’était éloigné pour répondre au téléphone. Elle ne releva pas le fait qu’il était un peu tard pour recevoir un appel. Elle remit tranquillement ses sandales, pendant que le jeune homme se dirigeait vers un rocher, pour être plus tranquille sans doute.
Lacrima partie dans ses pensées n’écoutait pas ce qui se disait, question de respect et aussi qu’elle n’était pas très curieuse.

Cependant elle ne put pas ne pas entendre le cri de douleur qui retentit sur toute la plage. Brusquement tirée de ses rêveries, elle releva la tête. L’expression de son visage n’était plus celle d’une enfant heureuse lorsqu’elle aperçut le garçon recroquevillé sur lui-même au pied du rocher. On y lisait comme de l’inquiétude mélangée à de la surprise ou une sorte d’incompréhension.

Sans perdre de temps à se poser des questions inutiles, elle alla à le rencontre du jeune homme. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour le rejoindre. Arrivée à son niveau, elle s’accroupi pour se mettre à sa hauteur. Elle lui passa un bras autour des épaules et essaya comme elle put de voir son visage, posé contre la roche.

- Set’, qu’est-ce que…

Elle s’interrompit et ses yeux s’agrandirent lorsqu’elle aperçut le sang sur son front et sur sa nuque. Elle fut un peu rassurée lorsqu’elle compris qu’il ne s’agissait que de traces de sang : il ne s’était pas ouvert la tête. Elle ne trouvait cependant pas la plaie.

Un bruit la dérangeait. Elle ne savait pas exactement ce que c’était, jusqu’à ce qu’elle se souvienne que Setsuna était au téléphone. Elle vit en effet l’appareil, abandonné sur le sable. De la main libre qu’il lui restait, elle le ramassa pour répondre à la personne qui hurlait à l’autre bout du fil.

- Allô.
- Set’ ?!
- Non, c’est une... amie.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Je veux parler à mon fils!
- Désolée, mais je pense qu’il n’est pas en état de parler. Je lui dirais de vous rappeler dès qu’il ira mieux.
- Mais…
- Ne vous en faites pas, ça ira.
- Bon, très bien.. Merci
- Au revoir. Il vous rappelera..

Pas la peine d’ajouter Bonne soirée, la soirée n’était pas bonne.
L’homme avait la voix tremblantes, comme secouée de sanglots. Ce devait être son père…
Lacrima rangea le téléphone dans la poche de la veste qu’elle portait toujours. Puis elle enleva cette même veste, ainsi que le petit gilet en coton qu’elle portait en dessous.

Dans ce genre de situation, il ne faut pas paniquer, mais rester calme, pour rasséréner l’autre. La jeune fille attrapa doucement le menton de Setsuna pour lui retirer le visage de contre le rocher. Toute sa figure était recouverte de larmes et de sang. Comme elle n’avait pas de mouchoir, elle entreprit de l’essuyer avec son gilet. Elle laissa ensuite le gilet sur le sable, à côté de la veste.
Puis elle le prit dans ses bras, que faire d’autre. Poser des questions ? C’était la dernière chose à faire. Parler ? Mais pour dire quoi ? Les mots ne serviraient à rien, ils n’arrangeraient certainement pas les choses. Elle lui caressait les cheveux, comme l’aurait sûrement fait sa maman, si elle avait été là…

Elle sentait les larmes couler sur son épaule, inondant son pyjama.
Que faire ? Lacrima était un peu désemparée. Voir ce si grand gaillard se ratatiner, devenir tout petit pour pleurer et ne plus se lever, pleurer toutes les larmes de son corps, apparemment incapable de faire quoi que soit d’autre. Ce n’était pas comme si Setsuna était un petit garçon qu’elle pouvait prendre dans ses bras pour le porter dans son lit, où prendre par la main pour l’entraîner autre part. C’était même plutôt lui qui l’encadrait de ses bras et de ses jambes.

Elle ne savait même pas ce qu’il se passait, et ne songeait pas à le demander. Évoquer le malheur n’aurait fait qu’aggraver la souffrance. Mais quoi qu’il ait pu arriver, il fallait faire quelque chose. Le garçon était toujours contre elle alors qu’elle cherchait que faire, elle sentait presque son cœur battre contre sa poitrine. Il était froid, mais elle ne s’en rendait plus compte : elle était trop préoccupée pour avoir froid. Elle savait bien que lui passer doucement une main dans les cheveux ne suffirait pas à le réconforter. Il ne fallait pas rester assis là, à pleurer. Ça n’arrangerait rien, quelque soit le problème. Elle le laissa pleurer encore un moment ; elle savait qu’il avait besoin de se vider. Puis, elle lui souffla à l’oreille :

- Set’… Faut pas rester là, comme ça.

Alors doucement, elle desserra son étreinte pour se relever. Se lever… C’était déjà la première chose à faire. Elle se baissa afin de prendre les mains de Setsuna, histoire de l’encourager à se mettre debout à son tour. C’est alors qu’elle remarqua les entailles de ses paumes.

- Oh ! Tes mains..

C’était de là que venait le sang. Comme précédemment pour son visage, elle lui essuya les paumes avec son gilet. Ceci fait elle lui reprit les mains et fit son possible pour le regarder dans les yeux, noyés de larmes.

- Allez, lève-toi. Marcher un peu ça te fera du bien.

Elle lui parlait gentiment d’une voix toute douce. Elle n’avait pas pitié, c’est un sentiment qu’elle avait en horreur. Mais, même si elle ne le connaissait pas encore très bien, elle appréciait déjà Setsuna, et le voir dans cet état lui faisait mal au cœur. On se sent toujours mal lorsque quelqu’un que l’on apprécie est baigné de douleur.